Assis par Jivezi

Les Poèmes et Fictions, poésie contemporaine

Assis par Jivezi

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hier, j'ai dû très vite aller faire des courses
ce manger là m'accable,
c'est une nourriture qui m'ennuie profondément
me détourne
je vais alors dans un petit supermarché tout près
où les achats se font vite
et sous l'auvent, très spacieux,
depuis longtemps,
plus de deux ans probablement,
un homme accroupi attend
souriant, ouvert et sympathique
vif et propre
autant qu'on puisse l'être en vivant dehors
accroupi toutefois,
il paraît être debout
et entretient avec les gens qui passent
des relations les plus cordiales
ni pleurnichard, ni rabâcheur, ni faussement humble
(de cette humilité gluante qu'ont parfois, souvent, presque comme une seconde
nature, les gens qui font la manche)
il prend des nouvelles des uns et des autres
à la manière d'un gardien un peu
qui travaillerait à l'accueil
accroupi oui, mais de belles manières
et proprement presque debout



son attitude m'a frappée un jour
lorsque je l'ai vu se lever pour aller ramasser et mettre à la poubelle
un papier jeté là par quelqu'un qui sortait
un tel écart d'attitude
entre celui debout qui jette et salope
et celui qui assis, se lève et range
non pas à l'image d'un larbin,
mais à l'image du maître qui corrige une erreur


donc cet homme, un polonais apparemment
comme beaucoup ici, je le salue avant d'entrer
et vais papoter 5 minutes avec lui en sortant, de choses de la vie courante, car même assis on peut y être
dans le courant de la vie
assis, ce sont les autres qui se penchent pour saluer
une assise digne et légère
je ne sais pas expliquer ça
Un jour, je lui ai même demandé s'il ne voulait pas lire
que je lui apporte quelques livres, s'il ne s'ennuyait pas de ça
il m'a expliqué que non, à cause de la langue d'abord
puis que lisant, il n'aurait plus la même attitude ouverte
puis qu'il n'aimait pas lire
surtout pas de poèsie
on a ri


un jour aussi, je l'ai vu se battre
avec d'autres
qui voulaient lui prendre sa place
et l'image là, glisse légèrement


hier donc courses rapides supermarché la pluie presque
pas encore très froid mais le gris de novembre
sous le porche il n'était pas seul

au salut que je lui fais de la main en arrivant
un autre répond qui se précipite vers moi canette à la main
et me parle
un jeune homme, ou plutôt un homme encore jeune
très jeune même
détruit par l'acool
celui qui déforme et boursoufle et inonde
le visage ravagé les dents en trous
me parle
De sa mère
que je connais très bien
disons, que j'ai connue il y a quelques années, lorsqu'elle travaillait avec nous, une femme jolie , normale je dirais
c'est à dire dans la norme ni plus ni moins
mariée puis divorcée, seule avec ses 3 gosses
pas du tout zola vous savez
maison coquette, comme elle d'ailleurs, jeans et coiffure de coiffeur
sorties, vie sociale
et là
ce petit jean-michel
son second elle disait
en clochard accrocheur à la violence visible
le chemin de la rue collé sur le visage et les gestes
un visage anonyme où pourtant encore l'enfant
mais défait, dévisagé





j'ai mis un moment à comprendre


la mère de ceux des rues


on y pense si peu
ces parents là, ont-ils encore sur leurs buffets
la photo de leurs enfants dans des cadres ?
Le commentaire de sitaudis.fr C'était un mail, est-ce une fiction ou un poème ?